
STRASBOURG — Aux yeux de ses alliés centristes, le Parti populaire européen (PPE) est allé trop loin en travaillant avec l’extrême droite. Mais, de leur propre aveu, ils ne peuvent rien y faire.
Les Socialistes et démocrates (S&D), Renew et les Verts ont choisi de laisser couler après que leur partenaire de centre droit, le PPE — le plus grand groupe au Parlement européen — se soit appuyé sur le soutien de l’extrême droite pour faire passer un assouplissement de la réglementation écologique.
Malgré la grogne et les ultimatums lorsque le PPE a rompu les rangs, la stratégie des groupes centristes est de continuer d’essayer de faire fonctionner la relation.
“Nous continuerons à prêter main-forte au Parti populaire européen, et nous le faisons par responsabilité envers l’Union européenne”, a déclaré mardi la présidente du groupe S&D, Iratxe García.
Valérie Hayer, présidente du groupe Renew Europe, a concédé que le vote sur l’assouplissement de la réglementation écologique constituait un “grave précédent”, et qu’elle et ses troupes devaient “en tirer les conclusions”. Pour autant, “nous aimerions maintenir le format en vie, car c’est le seul moyen de relever les défis majeurs pour l’Europe et les Européens”, a-t-elle estimé.
Pour le coprésident des Verts, Terry Reintke, les socialistes, les libéraux et les Verts devraient se concentrer sur les dossiers sur lesquels ils ont le plus de poids et mieux se coordonner avant les votes sur des sujets controversés.
Autant de réactions qui indiquent que les alliés centristes du PPE acceptent la nouvelle donne : le parti est prêt à s’allier avec les groupes à sa droite dans l’hémicycle lorsque c’est politiquement opportun, et la vieille coalition doit faire avec.
“C’est un mariage toxique”, compare un député européen S&D à qui, comme d’autres dans cet article, l’anonymat a été accordé pour parler franchement de la situation. “Ils nous trahissent, mais on continue de revenir vers eux.”
L’extrême droite, une “maîtresse séduisante”
Depuis les élections européennes de l’année dernière et la percée considérable de l’extrême droite, la majorité de droite du Parlement s’est associée à différents niveaux pour faire passer ses objectifs.
Ce mercredi encore, le report d’une législation sur la déforestation est passé en séance plénière avec les voix de l’extrême droite.
Le PPE maintient qu’il ne négocie pas activement avec les partis d’extrême droite, affirmant qu’il a simplement exposé ses positions et qu’il espère s’assurer un soutien plus large à droite.
Mais cela ne rassure guère certains membres de la coalition centriste. “Nous, S&D et Renew, sommes l’épouse trompée par le PPE”, a résumé un responsable de l’un des groupes centristes.
Selon le même, le groupe de droite dure des Conservateurs et réformistes européens, et celui d’extrême droite des Patriotes “sont la maîtresse séduisante que le PPE voit le week-end, mais ils sont de plus en plus contrariés de ne pas avoir la bague, la belle maison et le labrador”.
Les formations d’extrême droite ont fait part de leur souhait d’avoir une plus grande reconnaissance pour leur influence croissante. Le chef de file des Patriotes, le Danois Anders Vistisen, a confié à POLITICO qu’il espérait cosigner des amendements avec le PPE sur la proposition de législation sur les expulsions, actuellement en négociation.
La faible marge de manœuvre des groupes centristes vient en partie du fonctionnement particulier du système politique de l’UE.
Les députés européens n’ayant pas la possibilité de convoquer des élections anticipées, la répartition du pouvoir au sein du Parlement est figée, quel que soit leur niveau d’animosité et de frustration.
Les groupes ont également un intérêt à protéger leurs représentants au sein de l’exécutif de l’UE, étant donné que la Commission européenne est nommée par les Etats membres et non par les partis politiques directement élus par les citoyens.
Il leur est donc impossible de jouer le rôle de véritable opposition et le bouton nucléaire — une motion de censure contre la Commission — reste une entreprise à haut risque.
Lorsqu’on lui a demandé si les socialistes pourraient envisager une telle motion à plus long terme, Iratxe García a ri et évité la question.
“Vous êtes libres de [faire] toutes les interprétations que vous voulez, mais il n’est pas dans mon intention pour l’instant de préciser cela de quelque manière que ce soit. Je vais faire tout mon possible [pour que] cela ne se produise pas, mais il est évident que ce groupe se fait respecter”, a-t-elle répondu.
“Si cela devient, comme je l’ai dit, la nouvelle normalité, je pense que nous savons tous qui met l’Union européenne en danger”, a ajouté Iratxe García.
Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais, puis a été édité en français par Jean-Christophe Catalon.








